Les élections législatives turques de se sont tenues le [1]. Elles font suite à l'incapacité du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, mais mis en minorité au Parlement en , de constituer un gouvernement.
Entre les deux élections, plusieurs régions de Turquie ont basculé dans l'insurrection à la suite de la reprise du conflit kurde en Turquie.
Le Parti de la justice et du développement (AKP) perd sa majorité absolue. Une coalition doit constituer un nouveau gouvernement dans les 45 jours qui suivent la proclamation officielle des résultats au Journal officiel de la République de Turquie. Après de nombreuses tractations, notamment entre l'AKP et le Parti d'action nationaliste (MHP), les groupes parlementaires échouent à constituer une majorité. L'échec de ces négociations a été perçu comme délibéré afin de provoquer la tenue d'élections législatives anticipées pour permettre à l'AKP de retrouver sa majorité absolue et laisser à Recep Tayyip Erdoğan la possibilité de faire réformer la constitution en vue de présidentialiser le régime[2].
Conformément à la Constitution, le , le président Recep Tayyip Erdoğan annonce la dissolution de l'Assemblée et la tenue d'élections législatives anticipées au [3].
Fin , le cessez-le-feu convenu en 2010 entre les forces armées turques et le PKK est rompu[4]. Deux semaines plus tard, dans plusieurs provinces du sud-est, des routes sont coupées, des villes sont en état de siège[5]. En la situation est qualifiée d’« insurrectionnelle » dans plusieurs localités[2]. Du au près de 30 soldats turcs meurent après des attaques du PKK[6].
En parallèle, un nombre croissant d’attaques sont menées notamment contre les locaux du HDP et le siège du quotidien Hürriyet (libéral, opposé à l'AKP)[6]. Des activistes islamistes proches de l'AKP ont attaqué et incendié le siège du journal, et le HDP dénombre près de 400 attaques contre ses locaux[6]. La situation a été qualifiée de « Nuit de Cristal » par le député Ertuğrul Kürkçü(en), en référence aux pogroms de 1938 en Allemagne[6].
Selahattin Demirtaş déclare le que cette montée de la violence rend dans certaines localités « impossible la tenue des élections vu la situation sécuritaire »[7],[8].
Le le conseil électoral du district de Cizre, de la province de Şırnak informe la sous-préfecture dudit district qu'en raison de la « réalité sécuritaire » la tenue de bureau de vote ne sera pas réalisée dans trois quartiers (Cudi, Nur et Sul) où résident 65 % des électeurs[9],[10]. Les partis ne sont pas informés de la décision et le HDP annonce contester la décision[9],[10].
La plupart des sondages confirment les résultats des législatives de juin, et tablent même, malgré la situation sécuritaire, vers un tassement plus marqué du résultat de l'AKP et d'une légère progression du HDP[2].
Mode de scrutin
La Grande Assemblée nationale de Turquie est le parlement unicaméral de la Turquie. Elle compte 550 députés, élus pour cinq ans au scrutin proportionnel, chacune des soixante-dix neuf provinces constituant une circonscription électorale. Les candidats présents sur la liste d'un parti politique ne sont élus que si leur formation a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au niveau national, si elle a présenté deux candidats à chaque siège de député dans au moins la moitié des provinces, et si elle est bien implantée dans la moitié des provinces et un tiers des arrondissements provinciaux[12].
Au seuil électoral s'ajoutent plusieurs conditions supplémentaires auxquelles un parti doit se soumettre pour pouvoir bénéficier de sièges. Ils doivent avoir une présence dans un minimum d'un tiers des districts d'au moins 40 provinces, dans lesquelles ils doivent présenter au moins deux candidats.
Le seuil électoral turc de 10 % des suffrages, très élevé, a par le passé poussé au regroupement des formations et au vote tactique de la part des électeurs afin d'éviter que leur vote ne soit « perdu »[12]. À l'inverse, au cours des législatives de juin 2015, le HDP aurait reçu de nombreuses voix en dehors de son socle électoral kurde de la part d'électeurs de l'opposition souhaitant éviter son élimination qui aurait entraîné une répartition des sièges au profit de l'AKP[12].