La 'ataba (arabe : عتابا) est une forme de chantrécitatiftraditionnelarabe. La 'ataba tient ses origines de la musique bédouine, plusieurs variations de la forme principale existent selon les régions et les périodes.
La 'ataba est un chanttraditionnelarabe, originaire de la culture bédouine[1]. Elle est jouée et chantée lors de festivités ou de cérémonies, à l'exemple des mariages[2].
Il existe des variations régionales et historiques de la 'ataba[4]. Par exemple, dans la culture arabe traditionnelle, la 'ataba peut être jouée sans instrument[3]. La mélodie est alors uniquement fondée sur le chant.
La forme de 'ataba historique est celle de type bédouine[4]. Son aire de diffusion culturelle s'étend principalement de la Djézireh syrienne à l'Euphrate. Cette forme de la 'ataba est perçue par certains spécialistes comme plus primitive, qualificatif que rejettent d'autres[7].
Il existe une forme de 'ataba syro-libanaise, typique de Syrie, du Liban et de Palestine[8]. Cette 'ataba syro-libanaise est la forme principale des zones littorales, de l'arrière pays montagneux et des plaines intérieures du Proche-Orient. Cette forme est la plus populaire dans le monde arabe, en raison de la prépondérance de la culture libanaise.
Diffusion et impact culturel
La 'ataba, comme d'autres types de chant improvisés[Note 1], est une forme d'expression culturelle importante dans la culture palestinienne[1],[9]. Ses thèmes centrés sur les griefs et la peine en font un mode d'expression adapté aux problématiques vécues par la population palestinienne.
La 'ataba est une forme de chant populaire dans les pays arabes, notamment la 'ataba syro-libanaise[7]. Les libanais Wadih Al-Safi ou Sabah sont par exemple de célèbres interprètes de 'ataba[2].
Structure et forme
Poésie
La 'ataba est un chant poétique à forme fixe[7]. Elle ne repose pas sur une métrique fixe et s'appuie fréquemment sur des métriques arabes typiques, comme le wafir ou le rajaz, adaptées à la langue utilisée[6].
Sur le plan structurel, la 'ataba est constituée de plusieurs stances ou strophes[6],[2]. Ces stances sont structurées en quatre vers, ce qui fait de la 'ataba une forme de quatrain[10]. Les mots finaux des trois premiers vers se terminent par des syllabes homophones[Note 2], créant des rimes[11]. La sonorité finale du quatrième vers est soit un "-aab", un "-aa" ou un "-awa"[7]. En résumé, l'organisation de la 'ataba est structurée selon le schéma ‹3 + 1› et sa versification suit une structure ‹aaab›[12].
La sonorité "-ba" peut également être ajoutée au niveau du quatrième hémistiche[13].
Contrairement à d'autres formes de chants poétiques, le quatrième vers de la 'ataba n'a pas un rôle expressif central[12]. D'après certains auteurs, ce vers aurait surtout pour fonction de marquer la fin d'une strophe[Note 3]. Dans la 'ataba, ce sont surtout les trois premiers vers qui supportent l'expression poétique. Une règle pratique stipule ainsi que trois termes homonymes utilisés dans des significations différentes doivent conclure chacun de ces vers[Note 4]. Le respect de cette règle rend possible l'emploi de jeux sur la signification des termes, à l'image des jeux de mots[Note 5].
Les jeux de mots ne reposent pas uniquement sur le rapport entre termes homonymes[14]. La richesse de la langue arabe permet en effet de considérer et d'utiliser dans la poésie des mots aux sonorités proches, de rendre acceptable des approximations sonores ou de jouer avec l'évolution des significations des termes[Note 6]. Ces possibilités étendent donc le champ d'inventions permis à la 'ataba.
Dans certaines formes, des refrains métrés sont ajoutés aux stances de la 'ataba[Note 7],[2].
Musique
Le rythme de la 'ataba est régulier[15]. Elle est toutefois dépourvue de pulsation[Note 8], ce qui la rend proche d'une mélopée. Pour développer une esthétique musicale tout en satisfaisant ces contraintes techniques, l'usage des mélismes est courant.
La 'ataba est interprétée suivant deux phrases musicales, chacune regroupant deux vers[6]. Généralement, ces phrases suivent une structure mélodique typique : elles débutent à la quarte ou la quinte, évoluent en descendant au niveau de la cadence puis s'achèvent sur la sus-tonique ou la tonique.
Dans la plupart des cas, les solistes recourent à des mélismes pour entamer et clore une 'ataba[6]. Le mélisme introductif est fréquemment réalisé sur la syllabe "-ōf". Le mélisme conclusif est construit sur les mots tels que yā bā (« Ô père »), yā mā (« Ô mère »), or yā eyn (« Ô yeux »). Contrairement au mélisme introductif qui est facultatif et repose uniquement sur des considérations d'esthétique en lien avec l'improvisation, le mélisme final fait partie intégrante de la 'ataba et en est l'une des caractéristiques musicales.
Interprétation et public
De par le caractère improvisé de la 'ataba ainsi que des contraintes techniques poétiques et des possibilités d'invention littéraires, l'appréciation de ce chant requiert des interprètes et des auditeurs disposant de connaissances avancées du genre[12].
↑Jean-François Belleface fait par exemple remarquer que les auditeurs contemporains ne comprennent pas nécessairement la finesse et les jeux de mots des vers anciens.
(en) Susan Hodge Armitage, Patricia Hart et Karen Weathermon, Women's Oral History: The Frontiers Reader, Lincoln, Nebraska, University of Nebraska Press, (ISBN978-0-8032-5944-7).
Jean-François Belleface, « 'ataba des villes ou 'ataba des champs », Bulletin d'études orientales, vol. 41/42 « Le Nord-Est Syrien », , p. 161-170 (lire en ligne).
(en) Dalia Cohen et Ruth Katz, Palestinian Arab Music: A Maqām Tradition in Practice, University of Chicago Press, (ISBN978-0-226-11299-2, lire en ligne).
(en) Heikki Palva, Tapani Harviainen, Asko Parpola et Harry Halén, Dialectologia Arabica : A Collection of Articles in Honour of the Sixtieth Birthday of Professor Heikki Palva, Finnish Oriental Society, (ISBN978-951-9380-25-4).
(en) Elke Kaschl, Dance and Authenticity in Israel and Palestine: Performing the Nation, Brill, (ISBN978-90-04-13238-2).
(en) Amnon Shiloah, The Performance of Jewish and Arab Music in Israel Today : A Special Issue of the Journal Musical Performance, Taylor & Francis, (ISBN978-90-5702064-3).